Madonna est très certainement l’artiste qui a reçu le plus grand nombre de critiques dans sa carrière. Elle est la cible préférée des Haters depuis des décennies, jugeant chaque étape de son travail et de sa vie en tant que femme, avec toujours la même conclusion : elle va trop loin !
Des excuses publiques
En 1992 Madonna sortait Erotica, son album le plus controversé, accompagné du livre SEX, ode au bondage et à l’expression de la sexualité sous toutes ses formes. S’en est suivi le lynchage médiatique qu’on connaît, avec pour résultat le boycott des radios, le refus par certains distributeurs de commercialiser le livre et le bannissement de la Madonne par le Vatican !
Madonna était déjà à l’époque une icône adulée par des millions de fans. Mais les paroles explicites de son album et les photos d’anulingus ont déclenchées le plus gros lynchage public de toute sa carrière. Bedtime Stories était censé être sa dernière chance de rédemption et les frères Warner étaient d’accord pour le produire sous réserve qu’il véhicule une image moins provocatrice. Le label et Liz Rosenberg ont tout fait pour réparer les dommages causés par l’ère Erotica. Ils ont lui ont fait enregistrer le single « I’ll Remember » pour lui donner un hit « famille friendly » laissant ainsi supposer que l’album à venir serait une sorte d’excuse publique.
La vidéo qui sert à la promotion de l’album fait la promesse « qu’il n’y aura aucune référence sexuelle dans cet album » avec Madonna herself qui clame aux côtés de la fille de Patrick Léonard, Jessy, (qui inspira Dear Jessy) :
« c’est un tout nouveau moi ! Je promets d’être une gentille fille »
Le lynchage de Madonna a été construit sur 2 piliers : elle a d’abord été méprisée pour sa sexualité puis éclipsée par elle. Pour ses haters son sex-appeal était son seul fond de commerce, alors si le prochain album ne parle pas de sexe quel pouvait bien en être le sujet ? Les spéculations ont abouties au fait que quelque soit son plan, elle était finie. Elle pouvait bien décider de changer de visage ou de proposer une version plus mature d’elle même que ça n’y changerait rien.
« Quand vous êtes une célébrité vous n’êtes autorisée qu’à montrer un seul aspect de votre personnalité, c’est ridicule ! »disait-elle dans une interview en 93.
Absolutely no regrets
Quand Bedtime Stories est sorti elle a répondu sur les deux sujets de son bashing. Malgré les promesses faites lors de la promo, elle a continué à reconnaître ses désirs sexuels mais a également démontré que le fond ET la forme ont de l’importance. A commencer par Survival chanson ce-écrite avec Dallas Austin dans laquelle elle répond directement à ses détracteurs : « je ne serai jamais un ange, je ne serai jamais une sainte c’est vrai, je suis trop occupée à survivre ». Les paroles continuent dans le récit de la punition qui lui a été infligée par les médias et l’état d’esprit dans lequel cela l’a amenée.
Elle confirme avec « Human Nature » qu’elle n’est absolument pas désolée et qu’elle n’est la « bitch » de personne, accompagnant le single d’une vidéo qui s’accorde parfaitement avec les textes dans laquelle on la retrouve en délires bondage, comme une réminiscence d’Erotica. Et juste avant de lâcher le micro elle sussure « est-ce que ça sonnerait mieux si j’etais un homme ? »
Madonna a expliqué qu’elle ne s’est pas excusée car selon son point de vue elle n’a rien fait ou rien dit d’inhabituel, ce qui était inhabituel c’est que cela venait d’une femme. Dans une interview pour le LA Times elle déclare :
Madonna a expliqué qu’elle ne s’est pas excusée car selon son point de vue elle n’a rien fait ou rien dit d’inhabituel, ce qui était inhabituel c’est que cela venait d’une femme. Dans une interview pour le LA Times elle déclare :
« Je suis punie pour être une femme célibataire, riche et puissante et pour dire haut et fort que je suis une créature sexuelle. Je ne suis finalement pas si différentes des autres si ce n’est que moi, j’en parle. Si j’etais un homme on me laisserait tranquille. Personne ne parle de la vie sexuelle de Prince ! »
Et au delà du fait qu’elle ait mis un point final au scandale autour de sa sexualité, l’album s’applique a démonter les croyances selon lesquelles sa personnalité sexuelle limiterait sa versatilité en tant qu’artiste. Les paroles de l’album tournent très rapidement à l’introspection « je sais comment rire mais je ne connais pas le bonheur » (Love tried to welcome me). Et alors que les titres ont une consonance très R&B et New Jack, l’album prend une tournure plus expérimentale avec la touche de Björk sur le morceau qui donnera son titre à l’album. La vidéo qui accompagna le single est le premier exemple de ce qui allait devenir la longue histoire entre Madonna, la culture et la quête spirituelle. Cette vidéo est à ce jour conservée dans une collection du Musée d’Arts Modernes de New York.
« Human Nature » et « Bedtime Story » démontrent à elles seules que Madonna gère sa sexualité et ne sera jamais éclipsée par elle.
« Human Nature » et « Bedtime Story » démontrent à elles seules que Madonna gère sa sexualité et ne sera jamais éclipsée par elle.
Mais encore une fois les critiques sont passées à côté de tout ça, jugeant désormais son travail « vulgaire » plutôt que « choquant » et continuant à se focaliser sur son comportement plutôt que sur son dernier disque. Une critique du Times commençait ainsi : «La carrière de Madonna n’a jamais été une question de musique mais de titillation, d’image et de publicité » (ce fût le premier d’une longue série). Toutes les mentions du son expérimental de l’album et des nombreuses collaborations dont il etait issu ont été éclipsées par des remarques sur son image. L’album n’avait rien des excuses claires que le public demandait et son intensité émotionnelle a été largement ignorée.
Le succès commercial a été au rdv avec la sortie de Secret et Take a Bow mais les 2 chansons les plus importantes de l’album ne sont pas rentrées dans le top 40, ce qui n’était pas arrivé à Madonna depuis presque 10 ans.
Le succès commercial a été au rdv avec la sortie de Secret et Take a Bow mais les 2 chansons les plus importantes de l’album ne sont pas rentrées dans le top 40, ce qui n’était pas arrivé à Madonna depuis presque 10 ans.
Bedtime Stories n’est pas forcément l’album qui vient en tête le 1er quand on parle de la carrière de Madonna, c’est toutefois le plus pertinent pour de nombreuses discussions culturelles qu’on peut encore avoir aujourd’hui. Si elle avait répondu à l’appel du public de faire ses excuses, cela aurait montrer la propension du public à réduire au silence un artiste et à imposer aux chanteuses de rester à leur place.
Les critiques anticipées de l’album prévoyait soit une pop star repentie soit une carrière uniquement centrée sur le sexe. Elle a fait fi des 2 possibilités, laissant les critiques à se demander si sexualité et longévité était finalement si incompatibles....
Les critiques anticipées de l’album prévoyait soit une pop star repentie soit une carrière uniquement centrée sur le sexe. Elle a fait fi des 2 possibilités, laissant les critiques à se demander si sexualité et longévité était finalement si incompatibles....
Et c’est en cela que Bedtime Stories, 24 ans après, est peut-être toujours son travail le plus important. Pendant les mois qui ont précédés sa sortie il a été présenté comme une excuse à son comportement sexuel et tout le monde espérait son retour à l’innocence. Au lieu de ça elle a offert un sorry/not sorry lyrique et une réponse à tous ceux qui jugent les musiciennes sur leur sexualité plutôt que sur leur musique. A cause de son refus d’aller dans le sens des préoccupations morales du public, Madonna a livré un album décisif et donné le ton à la manière dont les artistes gèrent les critiques sur leur vie sexuelle.
Cet article a été rédigé à l’aide d’un article réalisé par Noisey.